Les multinationales qui vendent des bouteilles d’eau privatisent un bien commun, siphonnent les nappes et inondent la Terre de plastique. Cette tribune appelle à « précipiter dans sa chute inéluctable » cette industrie mortifère.
Cet appel de la coalition Stop embouteillage vise à la mise à l’arrêt définitif de la filière de l’embouteillage industriel de l’eau.
Tandis que le dérèglement du cycle de l’eau s’aggrave d’année en année, la consommation de l’eau en bouteille est, plus que jamais en Occident, un luxe inutile. Surtout quand on connaît la bonne qualité générale de l’eau potable proposée aux populations malgré les pollutions, la privatisation des régies municipales et les campagnes de dénigrement de l’eau du robinet. Face à cette situation, il ne nous paraît plus supportable de poursuivre l’activité d’embouteillage de l’eau qui conduit directement à :
- développer un modèle industriel extractiviste, surcarboné et ultracapitaliste. Il est basé sur le pillage des ressources ainsi que des chaînes d’approvisionnement logistique qui impliquent le transport par camion ou par bateau sur des milliers de kilomètres ;
- continuer le déploiement néocolonial du modèle agroalimentaire des multinationales comme Danone ou Nestlé, qui exploitent des nappes partout sur la planète pour rendre dépendantes les populations des Sud. Elles sont et seront pourtant extrêmement exposées aux tensions géopolitiques liées aux accaparements de l’eau. Ainsi Nestlé a créé avec Coca Cola (qui ne produit pas que des sodas et embouteille aussi de l’eau ailleurs dans le monde) le 2030 Water Ressource Group, un outil de coopération internationale public-privé au sein duquel multinationales et gouvernements œuvrent à la privatisation de l’eau ;
- perturber le cycle de l’eau et réduire l’eau disponible en puisant localement dans les nappes phréatiques. Plusieurs usines d’embouteillage sont ainsi en difficulté de prélèvements à Vittel, Volvic, Salvetat, Perrier…
- produire à elle seule 600 milliards de bouteilles chaque année, représentant 25 millions de tonnes de plastiques qui polluent l’air, la terre, les rivières et les océans ;
- mettre sur le marché une eau en bouteille massivement polluée par des nanoparticules de plastique ainsi que par des bactéries potentiellement pathogènes.
Tout cela sans compter les pratiques de contournement plus ou moins illégales des réglementations, tant sur la quantité que sur la qualité des eaux prélevées, qui sont monnaie courante dans l’industrie. C’est ainsi qu’on a récemment appris grâce aux révélations d’une enquête publiée par Le Monde et Radio France que les multinationales de l’agroalimentaire trichaient avec leur propre label : on sait désormais que les eaux minérales sont discrètement traitées lors du processus industriel et ne sont donc plus censées être minérales !
Lire aussi : Partout dans le monde, le business mortifère des bouteilles d’eau
En effet, les eaux souterraines sont désormais irrémédiablement polluées par l’ensemble des activités humaines. Or la réglementation de l’exploitation des eaux minérales est très stricte : aucun traitement de l’eau mise en bouteille n’est toléré. C’est le fond de commerce des minéraliers tout entier qui est en train de vaciller.
Un business extrêmement lucratif
Ainsi l’usine d’embouteillage Fiée des Lois, propriété d’Intermarché dans le Poitou, vient de fermer sa ligne d’eau minérale pour cause de pollution de la nappe aux pesticides. Et la cynique campagne publicitaire permanente qui consiste à promettre aux consommateurs une eau embouteillée exceptionnellement pure et naturelle, constitutive de cette industrie, est désormais devenue un incontestable et scandaleux mensonge. Le business extrêmement lucratif de Danone, Nestlé, Alma et les autres, qui consiste à vendre beaucoup plus cher que celle du robinet une eau volée aux populations locales, est en péril.
Aujourd’hui, en France, près d’une centaine d’usines d’embouteillage exploitent l’eau des nappes pour la production d’eau ou de sodas embouteillés. Partout sur le territoire, autour des usines d’embouteillage, on achète le silence des populations locales : en échange, elles redistribuent aux collectivités une partie des bénéfices du pillage de leurs eaux et s’adonnent au greenwashing en valorisant des pratiques agro-écologiques autour des sites d’extraction, soi-disant pour préserver la ressource.
Il est temps d’en finir. À nous de jouer pour précipiter dans sa chute inéluctable cette industrie symbole de l’impérialisme occidental qui, fort de ses bases sur le continent européen, commercialise l’eau, commun inaliénable du vivant et de l’humanité, partout sur la planète. Par solidarité avec les autres continents, revendiquons l’arrêt de cette industrie en France et en Europe, tout en prenant soin du devenir de ses ouvrières et de ses ouvriers.
Rejoindre la mobilisation
Nous, collectifs à l’initiative de la coalition Stop embouteillage, invitons les habitantes et habitants riveraines et riverains des sites d’embouteillage à créer des collectifs locaux pour se mobiliser contre les embouteilleurs et à rejoindre la mobilisation au sein de notre coalition afin d’enquêter sur les pratiques de cette industrie et rendre visible ses impacts écologiques et sociaux à toutes les échelles.
Pour ce faire, une cartographie des usines d’embouteillage en France a d’ores et déjà été réalisée, sur laquelle vous pouvez inscrire votre collectif ou renseigner les usines pas encore répertoriées. Retrouvez toutes les informations sur Stop embouteillage.
Nous appelons à une première mobilisation le samedi 23 mars, au lendemain de la journée mondiale de l’eau, contre le projet d’usine d’embouteillage à Dieuze en Moselle ainsi qu’à des actions décentralisées tout le weekend devant les usines d’embouteillages partout en France pour dénoncer l’accaparement de l’eau.
Source : https://reporterre.net/Danone-Nestle-Mettons-fin-a-l-embouteillage-de-l-eau
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